La presqu'île de Crozon comporte plusieurs hameaux ayant
un toponyme religieux déterminé par « Saint... »
Commune de Crozon :
Saint Driec – Saint Riec – Saint Riok : 6ème siècle. Un enfant
de deux ans échappe à la mort face à un dragon qui tente de le dévorer
sur les les berges de la rivière Elorn. Il est sauvé par deux chevaliers
chrétiens. L'enfant survivant devient un ermite à Camaret-sur-Mer, finit
sa vie à l'abbaye de Landévennec et est canonisé en 633. Saint Rioc francisé
en Saint Rémy est vénéré en l'église
St Rémy de Camaret-sur-Mer.
Saint Drigent – Saint Ritgen – Saint Régent : 6ème siècle. Serait
l'autre nom attribué à Saint Thérézien, évêque du Trégor. Parfois aussi
assimilé à Saint Rhidian de la presqu'île de Gower, au pays de Galles.
Possiblement disciple de St Guénolé.
Saint Phillibert mort en 684. Philibert est un fils d'aristocrate
mérovingien devenu évêque sur le tard. Le jeune Philibert présenté à la
cour du roi Dagobert 1er s'en retire vers 25 ans et se fait connaître
en tant qu'abbé fondateur des monastères de Jumièges et de Noirmoutier.
Le culte de St Philibert en Crozon est actualisé par la construction de
la chapelle
St Philibert qui remplace le culte de Saint Drigent apparemment tombé
en désuétude alors que celui de St Philibert est connu depuis les Landes
jusqu'en Normandie. Le remplacement des saints bretons par d'autres, mieux
francisés, est une pratique récurrente de la part de l'église romaine
pour affadir les particularismes régionalistes au service d'une entité
unique, voire universelle, toute en dévotion à la papauté.
Saint Guénolé mort vers 532 – Gwennole ou Gwenole en breton
– Uuingualoeus puis Guingualoeus en latin – fondateur de la
communauté
monastique de Landévennec qui régna économiquement sur la presqu'île
de Crozon en la rendant exsangue. Troisième fils d'une bonne famille,
immigré du pays de Galles, ayant rejoint la petite Bretagne par St Brieuc.
En dehors de l'abbaye, le nom est repris dans un hameau crozonnais ayant
eu chapelle et disposant encore d'une fontaine
de dévotion. Saint Guénolé est le saint protecteur des moissons qu'il
fait mûrir.
Saint Fiacre : moine irlandais, d'origine aristocratique, herboriste,
né en 590, devenu, après sa canonisation, le patron des laboureurs et
des maraîchers. La chapelle
St Fiacre honore son souvenir et donne son nom au hameau éponyme.
Saint Hernot : une légende bretonne le qualifie de fervent paysan
canonisé après sa mort. La chapelle
de St Hernot symbolise le lieu de prière du laboureur du temps de
sa dévotion. Brièvement rédigé en Saint Hervé dans les registres de l'évêché
avant de revenir à son orthographe initiale, la tentative de francisation
ayant apparemment échoué.
Saint Norgard – Orgard – Ourgard – ne semble pas avoir
laissé de réputation au delà de son temps. Il est possible que son culte
fut remplacé par celui de Saint Hernot à proximité. Subsiste le hameau
de Saint
Norgard.
Commune de Lanvéoc
Saint Efflez – aucune diffusion de ce toponyme ailleurs. Certaines
sources accumulent des variantes pour tenter de trouver une correspondance
avec un saint breton de forte notoriété mais l'hagiographie sans limite
n'assure aucune évidence. Qui fut cet homme d'église ? Néanmoins le hameau
de St
Efflez entre dans l'histoire locale de la seconde guerre mondiale
en tant que zone de combat pour la Libération.
Commune de Camaret-sur-Mer
Saint Julien – Saint Sulien – Saint Sulau : une francisation
aisée d'un patronyme d'un évêque du pays de Galles du 11ème siècle. La
chapelle
de Saint Julien anciennement incluse en la commune de Crozon –
anciennes limites
communales – existe aujourd'hui.
Facilement discernables par leur déterminant « Saint », il y aurait aussi
des hameaux ayant perdu cet identifiant de sorte que l'hagiotoponyme passe
inaperçu actuellement. L'exemple le plus reconnu est le hameau de Péran
en Telgruc-sur-Mer qui serait une évolution orthographique de Pétran qui
fut un saint relevé dans le cartulaire de Landévennec. Il fut un moine
de l'abbaye au 5ème siècle. Moine sans renommée en dehors de sa localité
à ne pas confondre avec Saint Péran/Piran, moine cornouaillais (GB).
D'autres cas probables :
Goulien en Crozon serait la résultante de Saint Goulven. Evêque du Léon
puis brièvement de Rennes (600-608). Immigré breton (GB) de parents aisés
ayant traversé la Manche pour prospérer en Bretagne. On lui attribue la
guérison des fièvres animales.
Cornily en Argol serait la résultante de Saint Cornély. Pape (251-253)
persécuté par l'empereur Trébonien Galle. L'homme d'église canonisé devient
le guérisseur des bovins en petite et grande Bretagne. Textes latins :
Cornélius. Textes français : Saint Corneille.
Ces deux exemples de saintetés importées reflètent les deux influences
chrétiennes de la presqu'île de Crozon. Une toute première issue de l'immigration
de la Bretagne insulaire dont les représentants étaient des fils de la
noblesse ou approchant, fuyant les troubles guerriers de leur pays natal,
mais aussi, et peut-être surtout, l'exposition à la pauvreté car n'étant
pas l'aîné de la lignée. Le droit d'aînesse octroyait l'aisance de l'héritage
au fils aîné. Les autres descendants n'avaient que miettes indigestes.
Une seconde influence, la propagation latine et romaine de la chrétienté
qui finira par supplanter la précédente plus ou moins habilement.
Des saints sont sans mémoire comme Sant Uurguestle, sans doute imprononçable,
sans rayonnement autre que local et dont le toponyme n'est plus situé
depuis des siècles. Pourtant ce religieux aurait, tout comme Guénolé,
bénéficié des largesses du roi Gradlon, pour son établissement. Un lieu
monastique presqu'îlien « effacé » par le temps aurait concrètement existé.
Citation du Bulletin de la commission Diocèsaine de Quimper 1907 :
« Ce nom [Uurguestle] est à rapprocher de celui de Niooc Guenngustle,
la sainte Candide de Tourc'h, dont on conserve des reliques dans l'église
de Crozon. »
Autre religieux escamoté par l'histoire : Sant Riovalen qui aurait eu
chapelle jadis en presqu'île de Crozon sans plus de détails.
Plus finement, des fontaines oubliées portaient le nom d'un saint breton
et enfin les lieux de culte, monastère / moustier / vouster (breton) –
préfixe Lan (exemple : Lanjulitte / Sainte Julitte) – et quelques
chapelles ruinées par le manque d'entretien. Après la chapelle défaite,
certains hameaux n'ont pas survécu. Autant dire que la sainteté régnait
en tous lieux sous différentes formes mémorielles et matérielles.